Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/98

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Diras-tu, grand dieu, qu’elle ayt jamais esté veritablement des tiennes ? La recognoistras-tu pour telle, et permettras-tu qu’elle jouysse du privilege qu’elle pretend, et qu’elle m’oppose ? Mais soit ainsi, que ta bonté qui surpasse de beaucoup toutes les bontez de tous les autres dieux, puis qu’elle recourt à toy, et puis qu’elle te prend pour son azile, luy permette de jouir du benefice des vrais amants, et que par ainsi aimant Thamire, elle ne soit point obligée, je ne veux pas dire de m’aymer, mais non pas seulement de tourner les yeux vers moy, que resondera-t’elle maintenant qu’elle advoue elle-mesme de n’aimer plus Thamire ? De quelles excuse pourra-t’elle couvrir son impieté, et pourquoy dira-t’elle qu’elle ne veut point t’obeir ? Et quelle raison t’empeschera, ô dieu qui te fais respecter à tous les dieux, de ne laisser impunie la desobeissance de ceste bergere ? Quoy donc ? elle sera la seule qui te mesprisant ne ressentira point quelles sont les vengeances, et moy le seul qui t’adorant ne ressentiray point les effets de ta bonté accoustumée ? Je pense, ô grande nymphe, que Célidée estant de ceste sorte accusée devant le trône de ce grand dieu pourra mal-aisément respondre, ny eviter d’estre condamnée à me rendre autant de contentement que j’ay eu pour elle de peines de travaux, et à me donner