Page:Uzanne - La Reliure moderne.djvu/400

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notre relieur ordinaire, notre indispensable, un relieur si fidèle et si fantasque qu’il se refuse, bien à tort, à servir toutes autres personnes. C’est pourquoi je le dénonce, espérant qu’on le fera venir à résipiscence.

Prouté n’a pas son pareil pour habiller un ouvrage du début de ce siècle ; il vous fabrique un deumi-Thouvenin avec un savoir-faire extrême. Lui donne-t-on un livre de l’époque impériale, il vous déniche une théorie de vieux fers originaux… : le petit Napoléon sur la colonne, les casques et les épées, l’aigle couronnée, le profil consulaire, les trophées de drapeaux et tous les attributs de la grande épopée. — Sur les livres révolutionnaires il campe le bonnet phrygien, le triangle égalitaire, la devise : La liberté ou la mort… que sais-je ! il n’est jamais embarrassé. — Quant aux cuirs même, il emploie tout ce qu’il trouve, au rebours de ses confrères : les grains longs, les cuirs de carrosiers, les peaux de gants, les maroquins étrangers, les couvertures les plus inimaginables… Ne s’est-il pas avisé récemment de m’apporter un petit volume recouvert de peau humaine, très bien teinté en nuance orange… ; je n’ai jamais pu savoir au prix de quel crime il se l’était procurée.

De tels relieurs sont utiles et sont rares, car ils ne se laissent pas ankyloser par une routine ridicule qui banalise chaque jour davantage nos bibliothèques. Les amateurs fantaisistes de la demi-reliure ne savent au