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LES PRÉSENCES INVISIBLES

complètement, ils oublieront. Mais d’autres n’ont ni le pouvoir ni surtout la volonté d’oublier ; ils ne renoncent pas à leur plus grand, leur plus profond amour, sentant que s’ils y parvenaient, ils se renieraient eux-mêmes : « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite s’oublie elle-même ! »

À l’apaisement trompeur, à la déchéance de l’oubli, ces désolés, en attendant la mort qui réunit, préfèrent leur douleur, quoique âpre qu’elle soit, parce qu’elle est encore un lien entre eux et leurs bien-aimés : « C’est Rachel, pleurant ses enfants et refusant d’être consolée parce qu’ils ne sont plus. » (Jérémie, xxxi, 15.)

Cependant la plupart d’entre eux croient à la vie éternelle, ou s’imaginent y croire, ou n’osent pas la nier ; beaucoup sont chrétiens de naissance, d’éducation, de conviction sincère et profonde aussi ; leur foi claire ou obscure s’est souvent manifestée par des actes. Et vis-à-vis de la mort, ils resteraient confondus, ils s’avoueraient vaincus, ils pleureraient comme ceux qui n’ont pas d’espérance ! Je voudrais — que Dieu me soit en aide ! — vous dire, à vous qui portez au cœur une blessure incurable, mais qui aimez toujours et qui croyez encore — encore un peu —