Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/104

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pour la plupart des estomacs, un précieux auxiliaire de digestion, si l’industrie n’eût point inventé mille recettes pour jeter dans le commerce et pour poser sur nos tables les vins de Champagne les plus faux.

Le grand nombre de maîtres d’hôtel, de valets de pied, quelquefois de chasseurs en grand uniforme, qui pressent et hâtent le service de table des gens riches, sont autant d’ennemis de l’estomac de ceux qui font parade de ce nombreux personnel. Dans les grandes maisons, et surtout aussi dans les clubs, le dîner se compose de beaucoup de plats et dure peu de temps. Tous ces gens de service ont hâte que vous sortiez de table pour s’y mettre. Ils ne vous laissent pas respirer ; ils vous bourrent d’aliments, et les forces de l’estomac s’en trouvent opprimées.

Il est encore une condition hygiénique mal observée par l’homme riche : l’estomac une fois rempli d’aliments, il faut pour ainsi dire dépenser son dîner, et ce n’est certainement pas un exercice à réveiller les forces digestives que de s’asseoir à une table de whist, ou dans la loge étroite d’un théâtre. J’avoue cependant qu’une causerie vive, animée, semée de traits, d’idées justes, de paradoxes, de souvenirs, de projets même oubliés le lendemain, brillante de verve et d’esprit, est un des excitants les plus naturels et les plus actifs pour se tirer heureusement de cette lutte de l’estomac contre ce qu’on appelle un grand dîner. Mais où trouver de ces excellentes causeries ?

Le comte Roy, dont l’hospitalité dans ses grandes habitations était princière, prenait beaucoup de soins pour réunir un grand nombre d’invités. Un de mes amis,