Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trop favorable pour que je la raconte ici. Ce dîner fut pour le général Lafayette l’occasion d’un discours où l’on retrouva le politique circonspect, l’orateur élégant et l’homme de bonne compagnie.

Je n’oublierai jamais, non pour leur recherche, mais pour l’intérêt de la conversation, pour les incertitudes de l’avenir, pour les dangers de la situation et pour tous les grands et beaux souvenirs que le prince Louis-Napoléon éveillait dans mon esprit, les dîners auxquels le prince, simple représentant de l’Assemblée nationale, me fit l’honneur de me convier à l’hôtel du Rhin.

C’est à des dîners que se l’attachent le plus de souvenirs d’esprit, de tendresse, d’amitié, d’affaires, et même le plus de souvenirs de situations singulières et d’événements politiques.

En Angleterre, l’art de l’entraînement fait encore aujourd’hui de grands progrès ; on sait qu’on soumet surtout à l’entraînement les chevaux de course, les coqs et les chiens de combat. Un Anglais, que j’eus longtemps comme cocher, me pria un jour de lui rendre un service. J’allais à la campagne à une distance de six à sept lieues : « Permettez-moi, me dit Thomas, d’attacher mon chien sous la voiture (c’était un bouledogue), il a encore une livre de poids à perdre ; il se bat dans peu de jours. »

L’art de l’entraînement est aussi applicable à l’organisation humaine ; on entraîne l’estomac à un pauvre et mauvais régime aussi bien qu’au régime le plus riche et le plus excitant. L’ivrogne s’entraîne à boire tous les jours des quantités effrayantes de vin, d’eau-de-vie et même d’absinthe, non sans danger pour sa santé et pour