Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais chez elle de médecins ni même de chirurgiens.

» Madame de Montespan, dans une très-bonne santé, se trouva si mal une nuit que ses veilleuses envoyèrent éveiller ce qui était chez elle. La maréchale de Cœuvre accourut des premières, qui, la trouvant prête à suffoquer et la tête fort embarrassée, lui fit à l’instant donner de l’émétique de son autorité, mais une dose si forte, que l’opération leur en fit une telle peur qu’on se résolut à l’arrêter ; ce qui, peut-être, lui coûta la vie.

» Elle profita d’une courte tranquillité pour se confesser et recevoir les sacrements. Les frayeurs de la mort, qui toute sa vie l’avaient si continuellement troublée, se dissipèrent subitement et ne l’inquiétèrent plus. Elle ne s’occupa plus que de l’éternité, quelque espérance de guérison, dont on la voulût flatter, et de l’état d’une pécheresse dont la crainte était tempérée par une sage confiance en la miséricorde de Dieu, sans regrets, et uniquement attentive à lui rendre son sacrifice plus agréable, avec une douceur et une paix qui accompagna toutes ses actions. »

Madame de Montespan mourut de la peur de mourir.

Pour conclusion de ce petit traité sur l’art de vieillir et de vivre longtemps, je vous dirai qu’il vous faut prendre la vieillesse sagement, mais hardiment, et même gaiement, si vous pouvez.