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Les sobriquets et les gros mots de caserne ne manquaient pas pour flétrir et pour déshonorer celui qu’on accusait de lâcheté, ou même de prudence. On ne se préoccupait, on ne se glorifiait guère de fidélité et d’exactitude dans les comptes, de probité dans les affaires, de délicatesse dans les transactions.

Un quartier-maître du régiment de chasseurs de la garde, dont faisait partie le général Daumesnil, joue et perd une somme assez considérable appartenant à la caisse du régiment. Il revient au quartier et raconte tout bonnement ce qui vient de lui arriver. On plaint cet officier malheureux au jeu, on se cotise, et le malheur est réparé. Un comptable dans une telle situation ne verrait peut-être pas aujourd’hui s’ouvrir de souscription ; il serait, à coup sûr, livré à un conseil de guerre ou aux tribunaux, s’il n’échappait pas au déshonneur par le suicide.

L’étude du Code de commerce était fort négligée, et les tribunaux de commerce manquaient de dossiers et de procès.

Le tribunal de commerce siégeait au cloître Saint-Merry. Les juges de ce tribunal devaient être, comme aujourd’hui, élus par une assemblée composée de commerçants notables, et principalement des chefs des maisons les plus anciennes et les plus recommandables par la probité, l’esprit d’ordre et d’économie. Parmi les juges du tribunal de commerce, en 1809, on ne retrouve de nom connu que celui de M. Bertin de Vaux, l’un des copropriétaires du Journal des Débats, alors négociant et banquier, et ayant même pour associé dans sa maison de commerce M. le comte Molé.