Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/152

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des marchandes de modes, appelant le passant, offrant leur marchandise à haute vois, et vendant bon marché tout ce qu’on voulait bien leur acheter.

Le filou aux aguets, le joueur sans le sou, les oisifs et la canaille de tout rang et de tout âge, hommes et femmes, faisaient foule dans ces cloaques tortueux, éblouissants de lumière, et dont la pluie rendait souvent le sol fangeux.

Le rez-de-chaussée, le premier et le second étage des galeries de pierre de cet immense palais, ne suffisaient pas aux estaminets, aux restaurants à trente ou quarante sous, aux cafés de toutes sortes (cafés avec ou sans orchestre, café des Mille Colonnes, café de Foy, illustré par les calembours de Carie Vernet, le père d’Horace Vernet, café-spectacle). On n’avait pas tout vu en s’arrêtant aux nombreuses boutiques de bijouterie, de nécessaires, de marchandes de rubans et de mercerie, aux vastes magasins d’habillements tout faits et d’équipements militaires, aux étalages du bottier Sakovski, du tailleur Berchut. Il fallait encore descendre dans les caves pour y entendre l’orchestre du café des Aveugles, pour y entendre le Sauvage blouser ses timbales, ou pour y subir quelques mystifications du ventriloque Fitz-James, qui, dans un état d’ivresse, se fit tuer sous les murs de Paris en 1814. Il y avait là aussi des cafés à spectacle.

On trouvait dans le Palais-Royal le tableau animé, la représentation fébrile des mœurs du temps : c’était pour ainsi dire un Olympe en goguette ; on y mangeait, on y buvait, on y chantait, on y jouait, on y aimait. Il y avait là pour tous les passants de l’ambroisie frelatée, de la