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l’empire avaient seuls gardé la cocarde tricolore. Le prince portait un chapeau orné de plumes blanches et d’une cocarde blanche que lui avait envoyée comme présent l’empereur d’Autriche.

M. le comte d’Artois, lieutenant général du royaume, s’installe aux Tuileries, et le gouvernement provisoire, pour être plus près du prince, et peut-être pour le surveiller, établit ses bureaux dans les appartements de ce palais.

Lorsque, dans les conseils qui se tenaient chez M. de Talleyrand, on en fut venu au dénoûment de toutes les révolutions, à la distribution des places, des honneurs, et à des partages d’argent ; lorsque tous les membres du gouvernement provisoire eurent été nommés ; lorsque tous les amis de l’hôtel Talleyrand eurent été pourvus, l’abbé de Pradt s’aperçut que lui seul avait été oublié. On lui souffla à l’oreille qu’il restait encore à nommer un grand chancelier de la Légion d’honneur ! l’abbé de Pradt, qui avait assisté à tous les conseils, et qui s’était rendu célèbre par un mauvais bon mot contre l’empereur, Jupiter-Scapin, menaçait de se fâcher. On le nomma donc, quoique abbé, grand chancelier de la Légion d’honneur.

L’abbé de Pradt se rendit immédiatement à la chancellerie. Il y trouva un ancien huissier du temps de l’empire qui lui ouvrit les portes, et qui, fidèle à ses habitudes, lui dit : « Mon général, vous n’avez ici qu’à commander. »

Ce fut le 24 avril 1814 que Louis XVIII débarqua à Calais ; mais, avant de quitter l’Angleterre, il dut subir