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Le Génie du christianisme fut une réponse pleine de poésie et de sentiment à toutes les impiétés du dix-huitième siècle ; le Génie du christianisme avait eu pour préface toutes les scènes ensanglantées de la Terreur. Le poète religieux et l’écrivain novateur semblaient s’être entendus pour le succès du livre. Fontanes protégea de son amitié, Laharpe de son âpre critique contre les philosophes, les premiers fragments du Génie du christianisme qui furent publiés dans le Mercure. Laharpe dut dire à M. de Chateaubriand : Laissez-moi faire ! je les ferai crier ; je serre dur.

Les philosophes livrèrent en effet une bataille rangée au livre et à l’écrivain, et après beaucoup de bruit et beaucoup de phrases, malgré les Philippiques de M. Joseph de Maistre et de M. de Bonald, malgré toute cette poésie humaine du Génie du christianisme, la littérature de l’empire n’en continua pas moins à rester l’écho affaibli des témérités sociales de Rousseau et des spirituelles impiétés de Voltaire.

Toutes ces idées nouvelles en religion et en politique ne sortirent pas du cercle étroit des philosophes, des lettrés et des libres penseurs ; elles furent plutôt combattues qu’oubliées ; mais elles ne firent explosion qu’en 1814, lorsque des guerres inouïes dans l’histoire, suivies d’une épouvantable catastrophe, eurent ému cette société impie, bravant le ciel comme don Juan, et lorsque les Bourbons, reprenant la couronne de leurs ancêtres, eurent par des faits donné crédit à ces théories prophétiques d’une restauration universelle.

Toute l’Europe avait mis bas les armes : aussitôt une