Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/253

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Chateaubriand en fut même président honoraire. La direction de cette société littéraire et scientifique fut confiée au baron Trouvé, ancien préfet de l’Aude sous l’empire, et qui, en 1814, s’était pris de passion pour la famille des Bourbons. Cette Société des Bonnes-Lettres, d’abord logée à l’étroit dans un premier de la rue de Grammont, puis bientôt installée rue de Choiseul dans les vastes appartements occupés aujourd’hui par les magasins de la maison Delisle, était le rendez-vous de tous ceux qui, selon le langage du temps, pensaient bien et défendaient le trône et l’autel.

Trois fois par semaine, on y faisait des cours et des lectures. M. Nicollet, de l’Observatoire, plus tard réfugié en Amérique, faisait un cours d’astronomie ; M. Pariset, un cours de psychologie. M. Auger, de l’Académie française, lisait des notices littéraires ; M. Malitourne, des esquisses de mœurs ; M. Mennechet, des contes en vers ; MM. Soumet et Alexandre Guiraud, de petits poëmes et des élégies ; M. Duviquet, alors rédacteur du feuilleton du Journal des Débats, des morceaux de critique littéraire ; M. Patin, aujourd’hui de l’Académie française, des études sur le théâtre grec.

M. Lacretelle le jeune, né le 27 août 1763, âgé conséquemment aujourd’hui de plus de quatre-vingt-dix ans, et qui écrivait récemment un des plus jolis vers de ce temps-ci dans une épître à la jeunesse :


Donnez-moi vos vingt ans, si vous n’en faites rien[1],


M. Lacretelle le jeune montait souvent à la tribune ; il

  1. M. Ancelot fit à ce vers cette familière réponse :

    Mais quand vous les aviez, vous en serviez-vous bien ?