Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/266

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autant de petits vers qu’il en fallait de son temps pour entrer à l’Académie, et ce bon Mennechet, homme aimable, obligeant, poëte de salon, lecteur du roi Louis XVIII et du roi Charles X.

Lemontey aussi ne vit plus que dans le tableau de madame Ancelot. Il fut reçu comme prosateur à l’Académie française ; il a publié Raison et Folie, deux volumes, et quelques bonnes études sur le règne de Louis XIV et sur la régence. Lemontey était d’une avarice qu’on citait. Il demeurait sur la rive droite de la Seine : toutes les fois qu’il y avait séance à l’Académie, il se plaçait à l’entrée du pont des Arts, quelques instants avant l’heure de la séance, sûr de rencontrer là un de ses collègues et de le faire payer pour lui. Je m’empresse de dire que l’avarice de Lemontey n’était que de l’économie. On eut après sa mort la preuve qu’il répandait de grosses aumônes, et qu’il employait une grande partie de ses revenus à secourir et à soulager des malheureux.

Il me faut aussi rappeler avec tristesse la fin récente de madame Sophie Gay, morte dans un âge assez avancé. J’aimais assez madame Sophie Gay ; j’aimais son esprit, ses causeries, pleines de cœur pour ses amis, pleines de spirituelles cruautés pour les sottes gens, brillantes de souvenirs, de verve et d’entrain ; j’aimais ses souriants pardons pour toutes les faiblesses humaines ; j’aimais ses gaies colères contre la vieillesse ; j’aimais ses entraînements pour toutes les fêtes si courtes de la vie, son ardente passion pour les arts ; j’aimais ses besoins de nombreuse et bonne compagnie, son amour pour les lettres, qui lui valut plus d’un grand succès. Elle pre-