Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/278

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aspects les plus variés et les plus inattendus. La lumière projetée à diverses doses sur une toile en fait autant de tableaux différents et nouveaux.

Si des amateurs nous passons aux peintres, nous trouverons encore parmi eux des physionomies plus diverses, plus accentuées, plus singulières, plus individuelles ; chaque peintre a sa manière de voir et de sentir, et lorsqu’on parcourt nos grands musées, on rencontre peut-être plus d’individualités en peinture, qu’on n’en rencontre dans les lettres, en parcourant les catalogues et les classifications de nos bibliothèques.

Pour me renseigner sur quelques grands peintres de l’empire, sur quelques grands peintres de la restauration, sur le salon de Gérard, sur Géricault, je m’adressai à un des plus charmants causeurs de ce temps-ci, grand peintre lui-même, à un camarade de collège, à Eugène Delacroix.

Eugène Delacroix et moi, nous fîmes notre troisième ensemble au Lycée impérial, sous M. Quénon, auteur d’un dictionnaire grec. M. Quénon dédia son dictionnaire à Cambacérès, qui n’était pourtant que peu célèbre pour son amour du grec. Tout en causant des jours du collège, déjà bien loin de nous, de cet excellent M. Quénon, et aussi de M. Raoul Rochette, nouvel Alcibiade à la barbe bleue, en bottes à la Souwaroff, en robe noire, que nous voyions traverser notre cour tous les matins pour aller faire sa classe de cinquième ou de sixième, Eugène Delacroix me parla, d’entraînement et de verve, des commencements de sa vie, de la mort de Géricault et du salon de Gérard. J’écris ici cette improvisation amicale d’Eugène Delacroix. C’est lui qui parle :