Page:Véron - Mémoires d’un bourgeois de Paris, tome 1.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les paroles et même les décisions les plus sévères contre moi ; je ne me préoccupais que de la sœur Marguerite, si peu coupable et qui n’avait en rien failli à ses plus rigoureux devoirs. Madame la supérieure me déclara que je ne pouvais continuer mon service à l’hôpital de la Charité, qu’elle avait fait son rapport à M. Péligot (alors administrateur des hôpitaux civils). Je fus forcé de quitter l’hôpital de la Charité, et j’entrai à l’hôpital des Enfants, sous M. Guersant. Mon cœur fut longtemps à souffrir de ne plus voir la sœur Marguerite : son souvenir agitait toutes mes nuits et tous mes rêves. Mes camarades d’hôpital et d’amphithéâtre, questionnés par moi, m’apprirent bientôt que la sœur Marguerite, qui m’avait souhaité et prédit tant de bonheur, payait bien cher ses fraternelles et innocentes prophéties : la communauté religieuse à laquelle elle appartenait l’avait envoyée à Cayenne ! Elle y rendit peut-être le dernier soupir, en me pardonnant de lui avoir causé tant de souffrances, supportées sans aucun doute avec la piété d’une sainte et la résignation d’un martyr.

Que j’ai souvent dit et pensé avec l’auteur des Méditations, chantant les étoiles :


Parmi ces astres brillants…

Parmi ces astres… Il en est un, solitaire, isolé,
Qui dans mes longues nuits m’a souvent consolé,
Et dont l’éclat, voilé des ombres du mystère,
Me rappelle un regard qui brillait sur la terre.