Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/114

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il se promettait de se rendre un jour utile à soi-même, à ses parents et à sa patrie.

Cet instrument n’annonçait pas sans doute des talents supérieurs pour la poésie, ni pour la musique ; aussi ne s’en piqua-t-il pas ; il avait négligé ces superfluités pour s’attacher à l’art solide de friser et de raser proprement à la manière de la province, et c’est en laveur de son habileté qu’il entra en qualité de premier et unique garçon chez M. Tranchant, chirurgien dans le faubourg Saint-Marceau, qui comptait parmi ses pratiques la compagnie des gardes françaises du quartier. On sait que ces messieurs sont assez sans façon ; aussi Félix, le dimanche, en retapait en une heure douze d’une main et autant de l’autre. À l’égard des barbes, M. Tranchant les expédiait avec une rapidité incroyable ; et comme il était grand causeur et causeur satirique, tout en rasant son homme il emportait la pièce. Plusieurs à qui cette façon d’agir ne plaisait pas, le menaçaient de le quitter ; mais le patelin M. Tranchant savait apaiser son monde, et au moyen d’une toile d’araignée qu’il vous appliquait sur le menton et qui couvrait la coupure, on s’en allait en louant la commodité de son expédient.

Entre autres têtes que l’adroit Félix allait embellir en ville, celle de M. Honoré, boulanger du coin, l’occupait par prédilection, à cause d’une nièce que le bonhomme élevait et qui prenait un merveilleux plaisir aux histoires que racontait le galant frater. Il s’insinua si bien dans l’esprit de l’un, et dans le cœur de l’autre, que M. Honoré lui proposa une petite chambre vacante au cinquième, afin d’y travailler pour son compte ; Félix parut aussi ardent à l’accepter qu’habile à donner des marques verbales de sa re-