Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/122

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ment pour le malheureux Félix ! Le cruel sergent ayant remarqué qu’il n’avait point frappé comme les autres, lui appliqua plusieurs coups de canne ; le brave Félix, moins outré de cette injure que furieux des tourments que sa maîtresse souffrait par la fausse accusation de ce malheureux, tira son épée et la lui plongeant dans le sein, vengea à la fois et son outrage et celui que l’on avait la barbarie de faire à sa maîtresse.

Un malheur en entraîne toujours un autre ; l’infortuné Félix fut conduit au cachot : le conseil de guerre prononça soudain son arrêt, la potence fut bientôt dressée, et l’on devine aisément le reste de cet effroyable tableau, sur lequel je tire le rideau poursuivre des yeux la désolée Babet qui, trop instruite du sort qu’éprouvait son cher Félix, et ne voulant point lui survivre, se précipita par sa fenêtre qui heureusement n’était pas élevée ; on courut à son secours. Le sergent, de son côté, prêt à expirer, découvrit au confesseur qui l’exhortait, toute la noirceur de son action. Il dépêcha un exprès pour en instruire les juges qui, indignés d’un tel crime, ordonnèrent de couper la corde à laquelle était suspendu l’innocent Félix ; et par un hasard bien rare, il en était encore temps. Lui et sa maîtresse furent réhabilités ; et, peu de temps après, on les maria avec les biens que le sergent leur avait légués en réparation d’honneur. Félix eut son congé pour rien, et même tous les officiers contribuèrent à une quête générale qui les mit à leur aise. Ils retournèrent chez M. Honoré, qui les reçut avec tendresse, et ils vécurent ensemble unis et constants jusqu’à la fin de leur vie.