Page:Vadé - Œuvres de Vadé, précédées d'une notice sur la vie et les oeuvres de Vadé - 1875.djvu/151

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Trichet l’éprouve, et dans sa dévote âme
Il sent bouillir le lait dont il a déjeuné,
Grâce à la belle Alix qu’il demande pour femme.
Un tel parti n’était à rejeter :
Pas ne le fut, Trichet prit la huitaine
Pour sa promesse exécuter.
Le retard en amour est une étrange peine ;
Mais pouvait-il faire autrement ?
Ira-t-il se damner ? Car sa perte est certaine.
Si pendant les huit jours il ne vit sobrement.
De son prochain bonheur la future bourgeoise
Bénissait Dieu : son cœur quoique flatté
Ne logeait point de sotte vanité ;
Car tous les jours fidèle villageoise,
Elle portait au marché de Paris
Du beurre frais, comme à son ordinaire.
Ainsi faisait jadis Margot, simple bergère,
Qu’une intrigue aujourd’hui place au rang des Iris
Un jour qu’Alix s’en retournait contente
D’avoir vidé ses deux paniers.
Et pour iceux reçu maints beaux deniers,
Elle aperçut Lucas, défricheur d’innocente ;
Bien fait surtout était le fin matois,
Et beau diseur en son patois.
« — Qu’est-ce, dit-il, en abordant la Belle ?
Un Monsieur doit donc t’épouser
Après demain ? — Oui — Méchante nouvelle !
Tu ne sais pas comme il faut en user
Avec un homme du gros style ;
Je te plains car lorsqu’il faudra…
Tu m’entends bien, et qu’il voira