Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/105

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jugé dépend de quelques lois générales et d’une appropriation particulière, définie d’avance pour une catégorie prévue d’esprits auxquels il s’adresse spécialement ; et l’œuvre d’art devient une machine destinée à exciter et à combiner les formations individuelles de ces esprits. Je devine l’indignation qu’une telle suggestion, tout à fait éloignée du sublime ordinaire, peut susciter ; mais l’indignation elle-même sera une bonne preuve de ce que j’avance — sans, d’ailleurs, que ceci soit en rien une œuvre d’art.




Je vois Léonard de Vinci approfondir cette mécanique, qu’il appelait le paradis des sciences, avec la même puissance naturelle qu’il s’adonnait à l’invention de visages purs et fumeux. Et la même étendue lumineuse avec ses dociles êtres possibles est le lieu de ces actions qui se ralentirent en œuvres distinctes. Lui n’y trouvait pas des passions différentes : à la dernière page du mince cahier, tout mangé de son écriture secrète et des calculs aventureux où tâtonne sa recherche la préférée, l’aviation, il s’écrie — foudroyant son labeur imparfait, illuminant sa pa-