Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/58

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leurs œuvres futures, les fantômes qui précèdent. Sans recourir à de si grands exemples qu’ils emportent le danger des erreurs de l’exception, il suffit d’observer quelqu’un qui se croit seul et s’abandonne ; qui recule devant une idée ; qui la saisit ; qui nie, sourit à rien ou se contracte, et mime l’étrange situation de sa propre diversité. Les fous s’y livrent devant tout le monde.

Voilà des exemples qui lient immédiatement des déplacements physiques, finis, mesurables à la comédie personnelle dont je parlais. Les acteurs d’ici sont des images mentales et il est aisé de comprendre que, si l’on fait s’évanouir la particularité de ces images pour ne lire que leur succession, leur fréquence, leur périodicité, leur facilité diverse d’association, leur durée enfin, on est vite tenté de leur trouver des analogies dans le monde dit matériel, d’en rapprocher les analyses scientifiques, de leur supposer un milieu, une continuité, des propriétés de déplacement, des vitesses et, de suite, des masses, de l’énergie. On s’avise alors qu’une foule de ces systèmes sont possibles, que l’un d’eux en particulier ne vaut pas plus qu’un autre, et que leur usage, précieux, car il éclaircit toujours quelque chose, doit être à chaque instant surveillé et restitué