Page:Valéry - Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, 1919.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sique où elle ne joue encore que le rôle du timbre, si l’on poursuit la métaphore. L’étonnant est de ressentir parfois l’impression de justesse et de consistance dans les constructions humaines — faites de l’agglomération d’objets apparemment irréductibles — comme si celui qui les a disposées leur eût connu de secrètes affinités. Mais l’étonnement dépasse tout, lorsqu’on s’aperçoit que l’auteur, dans l’immense majorité des cas, est incapable de se rendre lui-même le compte des chemins suivis et qu’il est détenteur d’un pouvoir dont il ignore les circonstances. Il ne peut jamais prétendre d’avance à un succès. Par quels calculs les parties d’un édifice, les éléments d’un drame, les composantes d’une victoire, arrivent-ils à se pouvoir comparer entre eux ? Par quelle série d’analyses obscures la production d’une œuvre est-elle amenée ?

En pareil cas, il est d’usage de se référer à l’instinct pour éclaircir, mais ce qu’est l’instinct n’est pas trop éclairci lui-même, et, d’ailleurs, il faudrait ici avoir recours à des instincts rigoureusement exceptionnels et personnels, c’est-à-dire à la notion contradictoire d’une « habitude héréditaire » qui ne serait pas plus habituelle qu’elle n’est héréditaire.

Construire, dès que cet effort aboutit à quelque