Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/118

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49, on menaça les nouveaux venus du regard et du geste, et l’on dressa des retranchements, dès le premier jour de l’arrivée. Il y eut des cognements de tête terribles, sous ce même bonnet de prison, quoique dans les cérémonies en commun, enterrements ou anniversaires, tous eussent à la boutonnière l’immortelle écarlate.

La haine subsista, implacable, entre les partis, saisissant tous les prétextes pour éclater. À propos d’un bout de jardinet mal enclos, d’une branche de fraisier dépassant la ligne de cailloux formant frontière, à propos d’un pied de capucines s’étirant entre deux cellules, on se jetait au nez les malheurs et les fautes de la Révolution !


J’ai beaucoup appris dans la gargote tenue par un ancien de Doullens, où tous mes débris d’insurrection viennent échouer, les soirs de grande paie ou les matins de chômage. Chacun arrive faire sa déposition, témoigner de ce qu’il vit aux heures tragiques, résumer ses souvenirs de la sinistre bataille.

Le beau parleur de la bande est un gaillard aux yeux gris d’acier, brillants et aigus, aux pommettes comme fardées de rouge, au front trop vaste, comme celui de quelques cabotins qui l’ont fait raser pour l’ennoblir, aux cheveux longs et tombant en rouleaux, à l’instar des saltimbanques — et des poètes.

Il ne lui manque que le cercle de cuivre qui retient