Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/132

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tisme virulent de jadis… et ce peuple m’écoute à peine ! Je n’ai pas encore la charpente d’un socialiste fort, et je n’ai plus l’étoffe d’un orateur de borne, d’un Danton de faubourg — c’est moi-même qui ai déchiré ce chiffon-là ! Ce n’est pas décadence, c’est conversion ; ce n’est pas faiblesse, c’est mépris.


Une fois, à Boulogne, j’ai failli y passer.

— C’est vous qui voulez empêcher Simon d’être nommé !

On m’a cerné, bousculé, frappé.

J’étais seul, tout seul.

Pour me défendre, il ne m’est venu d’abord que la vieille formule classique :

— On assassine la liberté de parole en ma personne !

— Eh bien, oui ! on l’assassine. Et à coup de poing sur le mufle ! a vociféré un blanchisseur à encolure de taureau.


Le bureau a eu peur que mon écrabouillage ne fît une tache sale dans l’apothéose du concurrent. Puis j’ai eu un peu de toupet. J’avais au moins de quoi répondre à ces arguments-là, je pouvais ceinturer le blanchisseur, tandis que, pendant toute la campagne, cette anguille de Simon m’avait filé entre les doigts, visqueux et souple, obséquieux à force d’onctuosité, et noyant dans du lait les serpents qui me sifflaient dans la gorge.