Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/186

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et nous sommes partis avec des allures d’ombres chinoises.

On entend nos pas dans le silence de la nuit ; les noctambules s’approchent et regardent.

Station au commissariat. — Interrogatoire, fouille, mise au violon !

Une estafette apporte, à galop de cheval, une dépêche qui me concerne.

Transfert au Dépôt.


Je viens de m’abattre sur une planche de lit de camp, entre un mendiant à moignons qui renouvelle ses ulcères avec des herbes, et un garçon à mine distinguée, mais éperdue, qui me voyant à peu près bien mis, se blottit contre moi et me dit tout bas, les dents serrées, la respiration haletante :

— Je suis sculpteur… Je n’ai pas mouillé ma terre… Je n’ai pas donné à manger à mon chat… J’allais lui acheter du mou… on m’a pris avec les républicains…

Le souffle lui manque.

— Et vous ? achève-t-il péniblement.

— Je n’allais pas acheter du mou… Je n’ai pas de chat, j’ai des opinions.


— Vous vous appelez ?

— Vingtras.

— Ah ! mon Dieu !