Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/269

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moins un cri d’indignation qu’un cri de désespoir.

On arrêta des signataires — la foule alla leur ouvrir, tambour en tête, les portes de Mazas. Et voilà que l’huissier du Cherche-Midi les convoque !

Ils se souviennent de ce placard, à l’Hôtel-de-Ville ! Il a pourtant passé sous les ponts, depuis ce temps, la fange de la capitulation et le sang du 22 Janvier.


Mais le 22 Janvier est cité, lui aussi ! Ils veulent en faire un jour criminel.

Et qui donc fut criminel ?…

Pauvre Sapia ! Il avait un jonc de treize sous à la main, quand il tomba. Il criait : « En avant ! » mais sans épée et sans fusil.

L’enfant de neuf ans qu’on releva mort n’avait pas tiré, n’est-ce pas ? Et le vieillard, dont la cervelle sauta sur le candélabre, avait dans sa poche, non pas une bombe, mais un paroissien.


Le 22 janvier, combien d’innocents massacrés !

Ceux qui n’avaient pu fuir assez vite s’étaient affaissés derrière les tas de sable, ou allongés derrière les réverbères abattus, et restaient là, accroupis dans la boue jusqu’aux lèvres.

Quelquefois, un de ces accroupis se détachait de la grappe saignante et roulait sur le ventre vers un coin plus sûr… il s’arrêtait tout à coup et ne roulait plus. Mais on lui voyait au flanc une tache écarlate, comme à la bonde d’un tonneau.