Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour une place. On pourrait voir, cependant… puisque votre père est professeur, et que vous paraissez aimer la carrière de l’enseignement !… »

Je parais l’aimer ? — Je la hais !

Vous invoquez la position de mon père ? — J’en rougis !


Mes prières et mes lâchetés ont été inutiles. Je ne trouve que des places pour coucher au dortoir ! J’aimerais mieux être porteur à la Halle !

Je puis encore tenir la campagne d’ailleurs avec mes 40 francs par mois.

Mes souliers se décollent, mon habit se découd…

Eh bien, j’irai pieds nus et déguenillé. Je ne fais de tort à personne ; je rôderai par les rues sans logement, si je n’ai pas l’héroïsme de rogner ma ration et de prendre sur mon estomac pour payer une chambre… mais je ne serai pas pion et je ne coucherai pas au dortoir.

On est mieux dans un lit de collège, on a chaud dans l’étude, on fait trois repas par jour — Je préfère crever de faim et crever de froid.

Je n’aurais enseigné que si j’avais pu être l’employé d’un chef d’institution sans porter l’uniforme et sans prêter serment.

Le serment ?

Celui que je devais remplacer chez le maître de pension râpé n’est pas le seul qui, ayant refusé de jurer fidélité à Napoléon, ait trouvé de l’ouvrage dans les institutions libres. Un tas de portes se sont ouvertes devant leur malheur et leurs titres.