Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/280

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une serviette, ce qui m’a fait, plus d’une fois, accuser de manquer de courage, sous l’Odéon, quand, après cent vingt-sept tours, je me plaignais de ne pouvoir marcher.

On accuse les gens de manquer de courage ! On ne sait pas comment sont leurs chaussettes, si la main d’une mère n’a pas entassé les reprises qui font hernie ou tumeur dans le soulier !


J’ai toujours eu du linge propre, par bonheur ! Je l’envoie à ma mère, qui le blanchit, le raccommode et me le renvoie. Ça ne coûte rien de transport, grâce à M. Truchet et M. Andrez des Messageries ; mais toujours aussi, ce linge ressemble à de la peau de vieux soldat, trop raccommodée et mal recousue.


Me voilà enfin armé de pied en cap : bien pris dans ma jaquette ; les hanches serrées dans mon pantalon doublé d’une bande de beau cuir rouge ; à l’aise dans ce drap souple.

J’ai fait tailler ma barbe en pointe ; ma cravate est lâche autour de mon cou couleur de cuir frais ; mes manchettes illuminent de blanc ma main à teinte de citron, comme un papier de soie fait valoir une orange.

Je tiens haut ma tête.

C’est la première fois que je la relève ainsi depuis que je suis « étudiant ». Jusqu’à ce jour, je n’ai pas pu. Il fallait que je fusse un peu lancé. J’oubliais alors que j’avais à cacher le gras de ma cravate.