Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/378

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colonnes des Petites affiches, sur les plaques des pissotières, et je me suis rendu aux adresses indiquées.

On m’a ri au nez quand j’ai montré mes échantillons ; on m’a mis en face de gens à tête de sous-officier ou de notaire qui écrivaient comme des graveurs — c’était moulé !

J’en ai été quitte pour ma courte honte ; je ne puis pas gagner mon pain de cette façon.

« Ce serait bien difficile, allez, même si vous aviez une belle main ! On ne vit pas de cela ; vous vous useriez les yeux sans encore récolter de quoi manger, » m’a dit un de ces calligraphes.

Il faut avoir des maisons attitrées. — Cela ne s’acquiert qu’avec le temps et de grandes protections !…

Il a l’air de m’assurer que c’est aussi difficile que d’être nommé préfet ou consul.

Peut-être bien ! et ce n’est pas plus sûr !


Mon écriture me tue. Toutes mes tentatives pour entrer n’importe où saignent et meurent sous le bec de ma plume maladroite.

Si je pouvais être caissier, teneur de livres ?

Je m’y mettrai !

Je crois qu’avec ma volonté de fils de paysanne, j’arriverais à faire entrer de force dans ma caboche les notions sèches qu’il faut au pays de la pierre et du fer, je forgerais mon outil d’employé de manufacture ou d’usine. J’apprendrais les chiffres, je me cramponnerais à l’arithmétique comme Quasimodo à