Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/61

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le plomb, si je me permettais d’avoir des bouquets lorsque je restais à devoir encore 4 ou 5 francs.

Son mari était malheureusement un brave homme.

Malheureusement ! Oui, car je l’aurais battu s’il avait été comme elle et je lui aurais fait payer à coups de bottes mes bouquets jetés dans les plombs.

Notre avenir doit éclore ! etc., etc.

Je ne voyais pas éclore mon avenir, et je voyais pourrir mes fleurs.


Si petite qu’elle fût, j’ai pourtant partagé une de mes chambres de dix francs.

Matoussaint avait fait connaissance, je ne sais où, d’un ancien cuirassier — qui attendait de l’argent. C’était sa profession ; il devait nous faire des avances à tous avec cet argent ; il avait promis à Matoussaint d’éditer son Histoire de la Jeunesse à laquelle il avait semblé prendre un intérêt puissant.

« C’est écrit avec des balles, avait-il dit. »

Il avait achevé de séduire Matoussaint en lui fournissant des détails militaires, des mots techniques, pour rendre émouvante une attaque de barricade en Juin trente-neuf.

Aussi était-il du bivouac et mangeait-il à notre cantine, au hasard de notre fourchette.

Il manqua de logement à un moment — il lui en fallait un cependant — pour faire adresser l’argent.

« Tu comprends, c’est à toi de le prendre, m’a dit Matoussaint. Royanny et les camarades ont tous des