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que la Compagnie exige, en échange d’une croisette, est plus ou moins laissée à l’arbitraire. De plus, le factorien, qui sait, ou qui pressent que l’indigène ne travaillera plus à partir du jour ou il se sera procuré le nombre de croisettes suffisant pour payer son impôt, a soin, la plupart du temps, de rémunérer d’abord l’indigène en marchandises quelconques, autres que des croisettes[1].

La Compagnie, au surplus, protesta vivement contre ces accusations. Elle ne manqua pas de faire observer que la Commission d’enquête n’était pas venue dans le Kasaï et n’avait parlé que par ouï-dire.

Mais, à peine l’émotion causée par le rapport de la Commission commençait-elle à se dissiper, que de nouvelles plaintes se produisirent. En janvier 1908, un missionnaire américain d’Ibanje, M. Sheppard, écrivit, dans le bulletin de sa mission, le Kasaï Herald, un article intitulé : « Au pays Bakuba », où il affirmait que les sentinelles armées de la C. K. contraignaient les indigènes à faire du caoutchouc, pour une rémunération insuffisante.

Quelques mois après, le consul général anglais Thesiger venait au Kasaï et, conduit par M. Sheppard, faisait, surtout dans la région d’Ibanje, une enquête sur la condition des indigènes et les méthodes de la C. K.

À son retour, il publia un rapport au gouvernement anglais, dans lequel il accusait formellement la C. K. de recourir illégalement au travail forcé, de détacher dans les villages du pays Bakuba des capitas armés de fusils à piston, de contraindre le roi Lukengu à faire des expéditions à main armée pour lever les taxes en caoutchouc.

Cette fois encore, la Compagnie se répandit en dénégations. Elle fit même un procès au rév. Sheppard et au rév. Morrison, chef de la presbytérienne de Luebo, qui avait repris et précisé les accusations de son collègue. Mais, au cours des débats qui eurent lieu devant le tribunal de Léopoldville, en septembre 1909, elle fut obligée de reconnaître que des abus

  1. Bulletin officiel, 1905. nos 8 et 9, p. 234.