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« Pour conjurer ce péril, — écrit le général Brialmont[1], — Banning conseilla à M. Frère-Orban, chef du cabinet, de prendre l’affaire en mains, et d’arborer le drapeau belge en Afrique. Cet acte eût coupé court à la polémique… »

Mais le gouvernement belge d’alors se souciait fort peu d’entrer dans les voies de la politique coloniale, et Léopold II, livré à lui-même, presque sans appui dans l’opinion publique de son peuple, ne put compter que sur son habileté de diplomate, sur les sympathies dont jouissait l’Association internationale, et, surtout, sur les rivalités qui existaient entre les puissances.

Il n’en fallut pas plus, d’ailleurs, pour lui assurer une victoire presque complète.

Le 10 avril 1885, les États-Unis, habilement sollicités par le général Sanford, affirment leur sympathie pour « le but humain et généreux de l’Association internationale ». Le 24 avril, la France renonce à ses prétentions sur la rive méridionale du Pool, en échange d’un droit de préférence pour le cas où l’Association serait amenée un jour à réaliser ses possessions. À peu près en même temps, le prince de Bismarck, que le roi des Belges a su mettre dans son jeu, proteste, dans une note à lord Granville, contre le traité anglo-portugais, et propose au gouvernement français la réunion d’une Conférence internationale, « afin de régler les conditions les plus favorables au développement du commerce et de la civilisation dans certaines régions de l’Afrique ». Enfin, le 26 juin, lord Granville, contre qui Léopold II est parvenu à soulever les chambres de commerce anglaises, au nom de la liberté commerciale, dénonce le traité anglo-portugais.

C’est ainsi que par une série de transformations imprévues, nous arrivons au moment où l’Association internationale africaine va donner naissance à un État Souverain.

Des admirateurs de Léopold II, qui croyaient le grandir en lui attribuant un machiavélisme cynique, ont prétendu que,

  1. Annuaire de l’Académie de Belgique, 1900, p, 105.