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« C’est le premier essai d’un État international, et ce sera, peut-être, le dernier, car jamais, autant qu’aujourd’hui, le mot de fraternité n’a caché de plus basses convoitises. Quant à cette infinité de peuplades noires, l’État libre, international et fraternel, les pénétrera-t-il sans les voler et les violer[1] ? »

Mais ce n’était qu’une voix perdue dans l’universel concert des acclamations. M. Moynier, le philanthrope genevois, qui fut longtemps le consul général de l’État en Suisse, félicitait les Congolais d’avoir reçu de la Providence, sans même le lui avoir demandé, « un maître aussi actif qu’éclairé, auquel ils n’auraient à reprocher ni l’inertie du soliveau, ni la voracité de la grue ». Stanley signalait à l’admiration du monde le désintéressement du Fondateur, qui avait dépensé 500.000 livres sterling, sans espoir de retour, pour une satisfaction de pur sentiment. Banning rendait hommage « à la générosité rare, à la persévérance invincible » du Souverain. Les Chambres de commerce britanniques, enfin, exprimaient hautement leur satisfaction, car, dans toute l’étendue de l’État, la liberté commerciale était complète, sans aucune des charges que leur eut imposé le traité anglo-portugais.

On sait que ce régime de liberté dura, à peu près, six ans.

De 1885 à 1891, les noirs trafiquent librement des produits naturels de leur sol. Des sociétés belges se constituent. Les maisons du Bas Congo développent vers l’intérieur la chaîne de leurs comptoirs. Les travaux du chemin de fer commencent. Des expéditions parcourent, dans toutes les directions, le territoire de l’État. On explore, ou on achève de reconnaître le Kasai, le Lomami, le Kwango, l’Uele. Les expéditions Delcommune et Bia-Francqui partent pour le Katanga, qu’elles soustraient, en le gagnant de vitesse, aux convoitises de Cecil Rhodes[2]

  1. Cité par Claparede et Socin. L’évolution d’un État philanthropique, p. 50. Genève 1909.
  2. Voir Wauters. L’État indépendant du Congo, chap. v. Bruxelles, 1899 ; et pour ce qui concerne l’exploration du Katanga, Le Mouvement Géographique, 1893. pp. 31, 39, 43, 47, 55, 61, 69, 75, 87, 101.