Page:Variétés Tome I.djvu/107

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ses grandeurs5, car, comme aimé et favory du roy, il luy fit obtenir l’ordre de chevalier de Sainct-Jean, qui sont comme les chevaliers de Malte en France ; en après chevalier de Sainct-Jacques, vicomte de Suegro, estat qui ne se donne qu’à celuy en qui Sa Majesté se fie le plus et plus privé de sa personne. Il fut lieutenant de la garde allemande et l’ordre de mayeur d’Arragon, en quoy il voulut limiter sa fortune, ainsi qu’omme bien advisé.

La renommée de Rodrigue volloit par tout le pays. La familiarité qu’il avoit avec le dit duc6, et l’authorité et puissance qu’il avoit au gouvernement, le rendit si orgueilleux, qu’il franchit toutes les limites d’humilité, et estimoit à peu les nobles du pays, et traitoit fort mal ceux qui estoient sous sa domination. Ses richesses et delicts marchoient d’un


5. D. Rodrigue avoit, dit-on, commencé par renier son père ; mais les reproches que cette conduite lui attira le firent se raviser, comme il est dit ici. Le Sage, que l’histoire de Calderon préoccupe à chaque page des livres viii et ix de son Gil Blas, fait allusion à ces sentiments et à ce retour repentant du favori ; mais, pour les mettre mieux en relief, il les prête à Gil Blas lui-même, qu’il nous montre alors admis avec Calderon au partage des faveurs du duc de Lerme. « Me reprochant moi-même que j’étois un fils dénaturé, je m’attendris, lui fait-il dire. Je me rappelai les soins qu’on avoit eus de mon enfance et de mon éducation ; je me représentai ce que je devois à mes parents, etc. » Liv. viii, chap. 13.

6. « Son logement communiquoit à celui du duc de Lerme, et l’égaloit en magnificence. On auroit eu de la peine à distinguer par les ameublements le maître du valet. » Gil Blas, liv. iii, chap. 8.