Page:Variétés Tome I.djvu/117

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goire de Pedroza, de l’ordre de S.-Hierosme, predicateur de Sa Majesté, et grand ami de Rodrigo. Il monta premièrement tous les religieux, et lui avec quelques uns, se decouvra du chaperon, et montra son visage encore avec la mesme miserable gravité seigneurialle ; il fut quelque temps à parler au dit père Pedroza sur les bras de la chaise, pendant que tous les religieux estoient à genoux, et lui faisoient la prière et recommandation de son âme. Il se reconcilia de rechef avec un grand courage, print congé de tous, et s’est assis dans la chaise, donnant permission à l’executeur afin qu’il lui liast les bras, pieds et le corps, et lui-mesme denoua les cordons de sa fraise, ce que après l’executeur lui osta tout à fait, lui demandant pardon. Dom Rodrigo l’embrassa, et approcha par deux fois sa joüe auprès de la sienne et lui donna, lui disant qu’il estoit son plus grand amy ; et, se descouvrant fort bien la gorge pour recevoir le coup, de rechef il s’offrit à Dieu, adorant le crucifix avec une douleur amère et repentance de ses pechez, pendant que l’executeur lui accommoda un bandeau de taffetas devant ses yeux, et, lui renversant la tête sur le dossier de la chaise, lui coupa la gorge10, rendant en un même instant l’âme à son


10. Cette exécution eut lieu le 21 octobre 1621. Il y avoit trois ans que le procès de D. Rodrigue étoit commencé. On ne l’avoit ainsi fait traîner en longueur que pour entretenir la haine du peuple contre tout ce qui rappeloit le ministère du duc de Lerme, et créer de nouveaux obstacles à ce ministre s’il tentoit de rentrer en grâce. Il y réussit un instant : Philippe III le rappela de l’exil, et il y eut quelque espérance de salut pour D. Rodrigue ; mais la mort du roi