Page:Variétés Tome I.djvu/173

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maisons, où, pour paroistre des plus relevées, elle ne manquoit à ce subjet de se faire faire des plus riches habits et des plus belles façons qu’elle se pouvoit adviser, entre autres des plus belles et deslies toilles, dont la Flandre, sur toutes les provinces de l’Europe, est la mieux fournie pour se faire des rabats des mieux goderonnés. À ces fins, elle avoit mandé querir une empeseuse de la ville pour lui en accommoder une couple, et qui fussent bien empesés. Cette empeseuse y met toute son industrie, les luy apporte ; mais, aveuglée du luxe, elle ne les trouve point à sa fantaisie, jurant et se donnant au diable qu’elle ne les porteroit pas.

Mande querir une autre empeseuse, fit marché d’une pistole avec soy pour luy empeser un couple, à la charge de n’y rien espargner. Ceste y fait son possible ; les ayant accommodés au mieux qu’elle avoit peu, les apporte à ceste comtesse, laquelle, possedée du malin esprit, ne les trouve point à sa fantaisie. Elle se met en colère, depitant, jurant et maugreant, jurant qu’elle se donneroit au diable avant qu’elle portast des collets et rabats de la sorte, reiterant ses paroles par plusieurs et diverses fois.

Le diable, ennemy capital du genre humain, qui est tousjours aux escouttes pour pouvoir nous surprendre, s’apparut à ceste comtesse en figure d’homme de haute stature, habillé de noir ; ayant fait un tour par la salle, s’accoste de la comtesse, lui disant : Et quoy ! madame, vous estes en colère ? Qu’est-ce que vous avez ? Si peux y mettre remède, je le feray pour vous. — C’est un grand cas, dit la comtesse, que je ne puisse trouver en ceste ville une