Page:Variétés Tome I.djvu/178

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quelque lumière des bruits que l’on faict courir des esmotions, non pas de Valladolid (comme me mandez), mais de Sarragoce, ville capitalle du royaume d’Arragon. Je vous diray qu’il y a environ vingt ans que le roy tenoit à son service un nommé Antonio Perès, lequel il avoit faict son secretaire d’estat, et l’avoit tellement receu en sa grace, que, pour la bonne opinion qu’il avoit conceue de luy, il se reposoit d’une bonne partie de ses plus importans affaires sur sa suffisance et fidelité, tellement qu’il estoit recherché d’un chacun (grands et petits) pour la grande creance que son maistre avoit en luy plus que personne de toute la court. Après s’estre longuement maintenu en cest estat, n’estant pas donné à un chacun d’user en la bonne fortune de la prudence et moderation qui y est requise, il devint si glorieux et insupportable, qu’il se rendoit fort mal voulu des gens de bien, et, non content de ce, s’oublia de tant que de commettre beaucoup de choses desquelles Sa Majesté (avec beaucoup de raison) demeuroit offencée, et telles y en avoit-il qui meritoient une griefve punition, voyre de la vie. Toutesfois, le tout averé, elle se contenta de le faire sortir de sa court et retirer en sa maison, où il jouyssoit de ses biens, qui estoient très grands, pour avoir receu beaucoup de bienfaits pendant qu’il estoit en grace, et de sa femme et enfans fort paisiblement, sans qu’il fust inquieté en manière quelconque. Neantmoins, sa conduicte fut si mauvaise, et y usa de si peu de prudence, que, pour justiffier son eslongnement, il blamoit et accusoit sa dicte Majesté d’ingratitude, detractant de luy plus licentieusement qu’il