Page:Variétés Tome I.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que ne parlois-tu d’abord naturellement ? dira quelqu’un.

Doucement, Monsieur le critique. Souviens-toy que j’entre dans l’esprit de celuy dont je decris l’avanture, et que la metaphore, l’allegorie, l’hyperbole et le reste, sont gens dont je ne me puis passer aujourd’huy.

J’ay dit que Bergerac se vantoit de tirer son origine des Mages : lecteur, peut-être seras-tu bien aise de sçavoir l’ethimologie comique du terme Cirano.

Bergerac soutenoit, en plaisantant, que mage et roy etoient jadis unum et idem, qu’on appelloit un roy cir, en françois sire, et, comme ce mage, ce roy, ce cir, pour faire ses enchantemens, se campoit au milieu d’un cercle, c’est-à-dire d’un O, on le nommoit Cir An O.

Charbonnons maintenant le portrait de mon heros, j’entens le portrait de sa corporance ; il n’est question que de celui-cy, et il fait beaucoup à la chose. Bergerac n’etoit ni de la nature des Lapons, ny de celle des geans. Sa tête paroissoit presque veuve de cheveux ; on les eût comptez de dix pas. Ses yeux se perdoient sous ses sourcils ; son nez, large par sa tige et recourbé, representoit celuy de ces babillards jaunes et verds qu’on apporte de l’Amerique. Ses jambes, broüillées avec sa chair, figuroient des fuseaux. Son esophage pagotoit un peu. Son estomach etoit une copie de la bedaine esopique. Il n’est pas vrai que notre auteur fût malpropre ; mais il est vrai que ses souliers aimoient fort madame la boue : ils ne se quittoient presque point.

Après avoir portraituré Bergerac, venons à Brio-