Page:Variétés Tome I.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que peu s’en fallut qu’il n’allât luy tenir compagnie au delà du bateau caronique.

Voilà ma digression finie. Entrons maintenant dans l’arène et voyons le combat en question. Notre auteur, galopant de son pied sur le Pont-Neuf, s’arrêta court devant le logis de Brioché. Une troupe de gens du regiment de l’arc-en-ciel5, attendant que les petites machines briochiques fûssent prêtes à donner le divertissement à l’honorable compagnie, agaçoient le singe deffunt. Ce singe étoit gros ainsi qu’un paté d’Amiens, grand comme un petit homme, bouffon en diable ; Brioché l’avoit coëffé d’un vieux vigogne, dont un plumet cachoit les trous, les fis-


5. C’est-à-dire la foule des laquais à livrées de toutes couleurs qui formoient le public le plus assidu des chanteurs du Pont-Neuf (V. Tallemant, in-12, t. 10, p. 188) et des joueurs de marionnettes (V. Furetière, Roman bourgeois, p. 117 de notre édition, Paris, Jannet, 1854, in-12). Cette diversité, ce bariolage des livrées, étoient si remarquables, que le P. Labbe voulut y trouver l’origine du mot valet. Il venoit, selon lui, de varius, variolus, « comme qui diroit variolet ! » Mais notre étymologiste n’a pas fait attention que le mot valet est bien plus ancien que la mode des livrées de diverses couleurs. Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, les laquais portoient cet habit de nuance uniforme et peu voyante qui les avoit fait appeler grisons. C’est seulement en 1654, après une des échauffourées dont ils étoient souvent cause, et dans laquelle une bande d’entre eux tua M. de Tilladet, capitaine aux gardes, qu’il parut une déclaration royale ordonnant « qu’ils seroient dorénavant habillez de couleur diverse, et non de gris, afin qu’il fût possible de les reconnoître. » (Lettre de Gui Patin, du 26 janvier 1654.)