Page:Variétés Tome I.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

âmes les plus asseurées sur le pied de la vertu se laissent une fois brider au vice, ou sont celles qui despeignent plus au vif l’enormité de leur malice.

Luy donc estant robuste et fort redouté, ne manque point d’estre suivy de beaucoup de gens de sa sorte, qui attachent leur vie et leur fortune au mesme hazard de la sienne, et entre autres de deux de ses frères, qu’il attire à sa cordelle, et, ramassant aussi l’escume de toute la haulte et basse Bretaigne, Poictou et autres circonvoisins pays, il se trouve accompagné de plus de quatre cens hommes5, tous de fait, et qui ne respiroient autre chose que le carnage.

Estant donc ainsi rangé en un bois6, où il dresse une puissante forteresse, un jour il attend jusques environ sur le midy, couché sur le ventre le long du grand chemin de Nantes7, tant que à la fin il passe un bon-homme, à qui il demande où il alloit, et ayant desjà bien entendu qu’il alloit à Nantes, il feint aussy y vouloir aller. Se mettant en chemin ensem-


5. Dans l’Histoire de la vie et grandes volleries, etc., il n’est parlé d’abord que « d’une quarantaine des plus résolus mauvais garçons », dont Guilleri se fait le chef.

6. Il avoit trois ou quatre retraites en Bas-Poitou, Bretagne et Saintonge, les plus sûres dans les forêts de Machecoul, des Essarts, de la Chastenerie. Id., p. 8.

7. Dans le livret populaire, cette aventure forme le chapitre 3e, qui a pour titre : « Comme il vola un paysan en lui faisant prier Dieu. » Le récit est le même à peu près ; seulement la scène ne se passe pas sur la grande route de Nantes, mais sur « le grand chemin qui va de Nantes à La Rochelle ». Le bonhomme se rendoit à cette dernière ville.