Page:Variétés Tome I.djvu/364

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peu s’en faut que je n’aye moi-même versé des larmes ; et quel est le barbare qui n’eût pas pleuré ? Daignez pour un instant calmer des mouvemens si vifs, et accordez-moi une audience favorable.

Quand je ne serois pas aussi persuadé que je suis, Messieurs, de la solidité de vos jugemens, le bon droit du malheureux accusé dont j’embrasse ici la défense me donne une juste confiance que vous voudrez bien vous déclarer hautement protecteurs de son innocence. C’est un misérable disgracié de la nature, à qui elle ne semble avoir refusé tous ses dons extérieurs que pour l’orner plus libéralement du don le plus précieux de tous, je veux dire de celui de l’esprit, qualité qu’il possède au suprême degré et dont il fait un si bon usage, qu’elle ne lui gagne pas moins l’estime de tous ceux qui le voyent et qui l’entendent que son triste état leur fait de compassion.

Ce Polichinel, Messieurs, né de parens obscurs et pauvres, n’a reçu d’eux qu’une éducation convenable à leur triste état ; mais son heureux génie, et plus encore sa probité, l’ont toujours soutenu jusques aujourd’huy, sans que jamais la pauvreté l’ait porté à quelque mauvais coup, ainsi que notre partie adverse a l’audace de nous le reprocher.

Je ne nierai point cependant, Messieurs, qu’il n’ait tué Rominagrobis Mitoulet, ce chat si vanté et peint par nos adversaires d’un si ridicule pinceau. Oui, il l’a tué ; mais jamais attentat mérita-t-il mieux un pareil châtiment ? Aux belles qualités qu’on lui a si libéralement attribué, on eût dû ajouter la perfidie et l’ingratitude dont il s’est si souvent noirci envers celui pour qui je parle. Ces vertus eussent encore