Page:Variétés Tome I.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cependant elle esteint les feux ardens d’amour qui le brusloient. Alors les parens de l’un et de l’autre, estans advertis du faict, firent moyen de les separer et esloigner, afin d’esteindre le feu et la fumée du bruit qui estoit semé d’eux par la ville. Mais Lysandro, qui ne desiroit plus belle occasion que celle, afin d’eviter les rets où il estoit pris s’il ne s’en retournoit à la maison de son père, la quitte, ayant assoupi ses lubricitez l’espace d’un an ; et ainsi elle demeura grosse d’une fille. Je ne vous pourrois representer les douleurs et afflictions accompagnez de souspirs et repentirs de ceste pauvre Leonor, qui au premier commancement avoit gouté les fruicts de l’amour si doux, et maintenant luy sont si amers ! La voilà delaissée et abandonnée d’un chacun, reputée pour une autre Laïs, fameuse putain, qui, estant morte, afin de faire revivre sa memoire, fut mis sur son tombeau une lionne qui esgratignoit un belier par les fesses, pour designer que le belier estordy, à sçavoir, l’homme, se laisse piper à la femme, qui luy tire le sang et luy oste la laine. Elle est contraincte en après de poursuivre comme elle avoit commencé, et s’addonne tellement à toutes sortes de lubricitez, qu’au lieu que c’estoit un miroir de vertu et chasteté, ce n’est que le receptacle des vices : sa beauté et elegance de son corps estoit flestrie, sa conscience offencée, laquelle l’epoinçonnoit ordinairement avec des vives attaintes d’un repentir ; son nom tout difamé, sa vie abregée, le cœur et l’ame perduë. Mais Dieu, qui ayme les siens, et qui ne cerche la mort du pecheur, fit reluyre peu à peu les effects de son amour dans le cœur de ceste creature, afin de la retirer des