Page:Variétés Tome III.djvu/232

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ceste jeune beauté dedans l’ame. Aussi est-il retourné de toute autre, mais en celle-cy il y est demouré pour les gages. Il fust donc vaincu de l’amour que la beauté de ceste jeune fille lui coula dedans l’ame. Je redoute d’appeller amour dont est sorty un acte de haine si detestable, et d’appeler amant celuy qui a faict tel traictement à la personne aimée.

Tant il y a que, l’esclair de ceste beauté luy avant penetré dedans l’ame, il soubmist incontinent sa raison à ses sens, et sans coup destourner ni ferir se donna en proye à ses salles appetits. Miserable ! que de prendre la loy de ceux qui la debvoyent recevoir de lui que de s’abaisser aux pieds de tels maistres et tirans, suivre des aveugles pour guides, et de se laisser commander de ceux qu’il debvoit severement gourmander. Mais c’est un grand plaisir aux mal-heureux que de se plaire en leurs mal-heurs, et de n’accuser pour cause de leurs mal-heurs qu’eux-mesmes.

Ce pauvre mal-heureux donc, cognoissant que ce tyran d’amour s’estoit saisi du fort de son cœur, et qu’il y commandoit à baguette, et n’ayant jamais trouvé parmy les rencontres de la guerre place si bien gardée et de si difficile accès et approche que ceste beauté, se resolut de la marchander au prix de sa reputation, et l’achepter au peril de sa vie et fortune, la payer de l’usufruict d’icelle et en recevoir l’acquit des sanglantes mains d’un executeur de justice. Ha ! que l’ombre du plaisir est grande, et ce qu’il a de corps et de solidité petit ! Mais que la fin et commencement des plaisirs font une estrange Heraclite et Democrite l’un vers l’autre ! Il s’accosta