Page:Variétés Tome III.djvu/291

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Je ne sçaurois pourtant treuver bon ce meslange,
Aimant mieux tenir seul ce dieu, qui me cherit
Et fait qu’en tant de lieux tout le monde me rit,
Que tous les flots dorez du Pactole et du Gange.

Son odeur, preferable au doux parfum des roses,
Sçait donner à ma bouche un baume precieux,
Pour qui les dieux d’Ovide abandonnent les cieux,
Et font de meilleurs tours qu’en ses Metamorphoses.

Ils quittent le nectar que verse Ganymède,
Pour celuy que l’on gouste en mes baisers charmans ;
Mesmes ce Jupiter, le plus chaud des amans,
Contre le mal d’amour cherche en moy du remède.

Apollon, degousté des liqueurs du Parnasse,
Qui n’eurent qu’un cheval pour premier eschanson,
M’appelle quand il fait quelque bonne chanson,
Et pour bien entonner ardemment il m’embrasse.

Cette eau de Castalie où l’on devient poète
N’inspire à ses poumons qu’un accent enrumé ;
Mais quand il me courtise il se sent animé
D’un air qui rend sa voix plus divine et plus nette.

Les mignons de ce dieu font par moy des miracles
Et me doivent l’honneur de leurs plus beaux desseins ;
Ma feconde vertu les produit par esseins,
Et mon gazouillement leur dicte des oracles.

C’est erreur de penser que dans la poesie
L’on puisse reussir à moins que de m’aymer ;
Tous ceux que mes appas ne peuvent enflammer
N’ont jamais qu’une veine infertile et moisie.

Ce lyrique excellent de la muse romaine
Que Mecène appelloit le Pindare latin,