Page:Variétés Tome III.djvu/328

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Aussi voit-on souvent qu’un homme mal-habille,
Indigne, espouzera quelque femme gentille,
Sage, de rare esprit et de bon jugement,
Mais luy, ne faisant cas de toute sa science
(Comme la cruauté suit tousjours l’ignorance),
L’en traitera plus mal et moins humainement.

Au lieu que si c’estoit un discret personnage,
Qui avec le sçavoir eust de raison l’usage,
Il la rechercheroit et en feroit grand cas,
Se reputant heureux que la grace divine
D’un don si precieux l’auroit estimé digne.
Mais certes un tel homme est bien rare icy-bas.

Si le cynique grec, au milieu d’une ville,
N’en peut trouver un seul entre plus de dix mille,
Tenant en plain midy la lanterne en sa main,
Je pense qu’il faudroit une torche bien claire
En ce temps corrompu, et se pourroit bien faire
Qu’on despendroit le temps et la lumière en vain.

Car vrayment c’est l’esprit et ceste ame divine,
Recognoissant du ciel sa première origine,
Qui fait le vertueux du nom d’homme appeller,
Et non pas celuy-là qui seulement s’arreste
Au corruptible corps, commun à toute beste
Qui vit dessous les eaux, sur la terre ou en l’air.

Il seroit donc besoin de grande prevoyance
Ains que faire un accord d’une telle importance,
Qui ne peut seulement que par mort prendre fin,
Attendu pour certain que ce n’est chose aisée,
À quelque homme que soit une femme espouzée,
De la voir sans ennuy, sans peine et sans chagrin.