Page:Variétés Tome III.djvu/335

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Mais aussy voicy les priviléges qu’ont telles manières de gens par dessus les autres hommes du monde.

En la cour du grand Turc et en la cour du prestre Jan, dit l’empereur des Abyssins, il n’y a hommes mieux gagez et respectez que les chastrez ; ils sont honorez de ces grands princes pour leur fidelité : le Turc en fait estat en son serail pour la garde de ses femmes, le prestre Jan pour la garde des siennes. Les deux empereurs sont bien asseurez que, de la part desdits eunuques, ils ne seront jamais cornards.

Le deuxième privilége des chastrez est qu’ils se peuvent resjouir en asseurance sans courir aucun risque de recevoir des affronts comme les autres hommes, quy ne se peuvent jouer sans danger et fascherie : car, pour un pauvre coup fait à la derobée, le tablier lève, un enfant arrive au bout des neuf mois ; il s’envoye à la porte du drôle ; les voisins le voyent, les passans le cognoissent : chacun descouvre le secret du jeu. Voilà un pauvre decrié, condamné aux frais de l’accouchement, à la provision de la dame, à reparer son honneur et à prendre le fruict de son jardin. Or, les chastrez ne sont point en ceste peine-là ; on ne les peut accuser de ces accouchements desrobez, ny moins encore les condamner aux frais et despens des gardes et sages femmes, et les femmes ne sont point en danger de perir en travail avec eux.

Le troisième privilége des chastrez est qu’ils sont fort renommez en leurs fidelitez en fait de maquerellage : ils font seure garde de ce qu’ils ont en des-