Page:Variétés Tome III.djvu/344

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en sa maison et luy apprendre le commencement de l’estat qu’il conduisoit, luy forniroit content la somme de quarante escus d’or. Ce marchand (à grand peine estoient six mois passez) avoit espousé une jeune dame lyonnoise de riche maison et d’assez passable beauté. Comme advient souvent qu’une jeune femme, n’entendant les ruses qui despendent d’un mesnage, prend volontiers servante de son aage, sans soy deffier du changement, qui plaist souvent aux mariz, le semblable fit cette jeune dame, le mary de laquelle, dispost et assez bien nourry, devint amoureux de ceste chambrière1, jeune, affettée2 et grassette, laquelle il poursuivit si vivement, tant par belles paroles que promesses, que ceste garse, ou pour obeïr au commandement de son maistre, pensant faire service très agreable à sa maistresse, ou pour avoir quelquefois experimenté le mal qui fait les filles femmes, ne fut long-temps sans accorder liberalement la requeste du sire, qui se trouva fort content d’un si favorable accord ; restoit seulement le moyen du joindre, qui fut tel que, la nuit ensuivant, il iroit coucher avec elle, et luy donneroit, outre ses gages, un corset3 du plus fin


1. V., sur ces connivences d’amour des maîtres et des chambrières, notre t. 1, p. 315 et suiv., et t. 2, p. 237–247.

2. Recherchée, coquette. Furetière veut que ce mot vienne du mot breton affet, baiser, « ce que les femmes coquettes cherchent. »

3. Corps de jupe sans manches, que portoient surtout les paysannes. Les plus coquettes les vouloient, comme celle-ci, en drap fin, en satin ou en damas.