Page:Variétés Tome III.djvu/90

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queste à Dieu, le priant de luy en donner des nouvelles.

Le soir arriva à la ville de Sainct-Lô un passant, lequel alla loger à Saincte-Barbe, et, comme le bruict couroit en la ville et qu’on ne parloit d’autre chose que de cette fille, le passant, entendant compter cette affaire, aussy tost va dire qu’il savoit bien où elle estoit, et qu’il l’avoit veue, et que plusieurs personnes de ce pays-là ne savoient d’où elle etoit venue ni quand elle estoit arrivée. Ces parolles ouyes furent incontinent rapportées à monsieur Guyot et à tous ses parens, lesquels vistement vinrent trouver ce passant, et luy demandèrent d’où il venoit. Il leur repondit qu’il venoit de Rouen. Helas ! mon Dieu ! n’avez-vous pas ouy parler en ce pays-là d’une jeune demoiselle de cette ville quy a esté desbauchée depuis dix jours en ça ? Avez-vous ouy ? dictes-le-nous, et nous vous ferons un don de ce que vous voudrez. Alors il leur dict qu’il venoit de quelque lieu là où il en avoit ouy parler.

Presentement le menèrent au logis de monsieur Guyot et le firent diner avec eux, en devisant toujours de ceste affaire. Apres le disner faict, ils luy donnèrent dix escuz pour qu’il les menast là où elle estoit. Incontinent le pauvre passant, bien rejouy, leur respondict qu’il les meneroit tout droict où elle se treuvoit. Le lendemain monsieur Guyot, monsieur Guillard, monsieur de Bordes, et plusieurs autres de ses parens, montèrent à cheval au nombre de treize, et le passant avec eux, et chevauchèrent tant qu’ils arrivèrent à quatre lieues près, et firent ainsy seize lieues. Le lendemain à sept heures furent à la porte