Page:Variétés Tome VI.djvu/162

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Le monde au monde aveuglé jusqu’au bout,
Il est certain que, quand j’aurois au large
Un bon domaine exempt de toute charge,
Près de la presse où le riche empressé
De trop de biens tient le pauvre opressé,
Je n’aurois point à gré ceste fortune,
Estant si près de la tourbe importune ;
Mais que, si Dieu m’en donnoit, à l’escart,
Non pas autant ny seulement le quart,
Ains soubs le chaume, estroite et bien acquise,
Une logette à mon humeur requise,
Et tant soit peu pour m’y entretenir,
Je lairrois tout pour m’y aller tenir ;
Et là, pour vrai, je penserais mieux vivre
Au petit pot22, et le droit chemin suivre,
Que dans un bourg où je suis envié
De ceux pour qui je me suis employé.
Mais, n’y ayant maison ny jardinage,
Ny rien du tout pour y lever mesnage,
Je suis contraint à demeurer chez moy,
Où je travaille en peine et en esmoy,
Et de mon art, bien qu’il ne soit facile
Ny lucratif, ains pauvre et difficile,
Gaigner ma vie au mieux que je pourray
Et celle aussi de la charge que j’ay,



22. « Nos pères disoient, lit-on dans le recueil de pièces contre le connétable de Luynes (p. 395), tenir au petit pot, pour tenir dans un état modeste. » On avoit aussi le proverbe pour les gens d’un état contraire : « La soupe du grand pot, et des friands le pot pourry. » (La Mesengère, Dict. des prov., 1re édit., p. 313.)