Page:Variétés Tome VI.djvu/276

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travailler toute la nuict, tesmoing ces paroles addressées à un qui y avoit esté trop longtemps à sa fantaisie : « Vous ne devriez pas revenir de ce privé ! J’ay grossoyé la moitié d’un inventaire sur un defaut depuis que vous y estes. Il faut mettre au net les contredits d’un tel : je veux les faire offrir demain en baillant. — Monsieur, respondit le clerc, ad impossible nemo obligatur. Il entend bien le latin, et ne chante qu’en françois : il est neuf heures sonnées, les contredits contiennent huict rooles de minute bien pressez : quand j’y travaillerais toute la nuict, je n’en pourrois pas venir à bout. — Mon amy, dit le maistre, au bout de l’ausne faudra le drap. Travaillez tousjours et ne perdez point de temps. Si vous n’aviez pas yvrongné tout le long du jour (le pauvre garçon n’y avoit point songé), vous ne concluriez comme vous faictes à aller bien tost coucher. Estes-vous plus grand seigneur que moy ? Avant qu’estre parvenu à ma charge, j’en ay bien faict d’autres ! Ignorez-vous qu’au temps où nous sommes on n’a point de bien sans mal ? »

Je ne vous diray pas quelle fut la suitte de l’action, car sur ces entre-faicts mon somme se termina : c’estoit sur le poinct que l’Aurore s’ennuyoit de son decrepité jaloux. Lors le procureur que j’avois quitté le soir, esveillé aussi matin qu’il s’estoit couché tard, commença à crier : « Holà ! ho ! n’avez-vous pas encor assez dormy ? Je vay vous faire porter un bouillon. — Vous me feriez grand plaisir, dy-je à basse voix ; cela referoit un peu ma cervelle, qui a esté ceste nuict excessivement travaillée en la consideration des actions de vos confrères. »