Page:Variétés Tome VI.djvu/8

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de ce ravisseur impitoyable. Or, l’affection particulière qu’il portoit à l’un des dits enfans le rendit plus soigneux en ce danger de celuy-là, et, taschant de luy prester secours, fut repoussé par l’eau, qui l’avoit tellement avancé que tous ses efforts furent vains, ayant affaire pour soy de telle sorte qu’il fut contraint d’abandonner à ce désespoir ses biens et ses pauvres enfans et gaigner hativement le toict de sa maison, où il eschapa miraculeusement.

Un gentil-homme se promenoit un matin parmy ses heritages, et, jettant sa veue sur une colline, avisa un torrent d’eau qui descouloit d’icelle dans la rivière proche, qui se grossit en un instant, s’arresta tout estonné de voir chose si estrange pour estre survenu en un instant.

Les maisons, collines, vallées, bois, prairies, terres et semblables objets de sa remarque journalière, ne paroissoient plus. Telle nouveauté luy faisoit dementir ses yeux ; enfin, s’arrestant plutost au sens qu’à son imagination, se retira hastivement et à pas redoublez au logis, advertit sa femme du danger qui les menaçoit de près, et mit toute sa famille en devoir de charger ce qu’un chacun pourroit porter, afin de sauver quelque partie de ses biens.

Mais cet ennemy debridé ne leur donna pas ce relasche ; il fut plustost à la porte que leurs paquets ne furent troussez ; ils furent contraints de quitter ce soucy pour pourveoir à leur sauver. Les fardeaux et les charges servirent à aucuns pour estre soustenus quelque temps sur l’eau et prolonger leur naufrage.

Ce gentil-homme, sa femme et ses enfans accoururent diligemment au plus haut estage du logis, se