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du Procez de Baif.

Il dit qu’il ne veut plus se taire,
Estant malheureux secretaire ;

    fait le récit de ses vains efforts, qui, après l’avoir mené à une sorte de renommée, n’ont pu le conduire à la fortune :

    Quand je pense au divers ouvrage
    Où j’ay badiné tout mon âge,
    Tantost epigrammatisant,
    Tantost sonnant la tragedie,
    Puis me gaussant en comedie,
    Puis des amours petrarquisant,
    Ou chantant des roys les louanges,
    Ou du grand Dieu, le roy des anges…
    Je ry de ma longue folie
    (Ô Villeroy, de qui me lie
    L’amiable et nette vertu),
    Et je di, voyant ma fortune
    Maigre, s’il en fust jamais une :
    « Je suis un grand cogne-festu,
    Qui cogne, cogne et rien n’avance.
    J’ay travaillé sous esperance.
    Les rois mon travail ont loué,
    Plus que n’a valu mon mérite ;
    Mais la récompense est petite
    Pour un labeur tant avoué,
    Puisque je n’ay crosse ni mitre ;
    Puisque je n’ay plus que le tiltre
    D’une frivole pension,
    Bonne jadis, aujourd’huy vaine,
    Qui m’emmuselle et qui me meine
    Pour m’accabler de passion.
    Doncques le mieux que je puisse faire,
    C’est me tromper en ma misère,
    Maladif pauvre que je suis.
    Voire, au milieu de mon martyre,
    Me faut essayer la satire :
    Souffrir et taire ne me puis.

    En plus d’un autre endroit de ses œuvres Baïf avoit fait